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Un parcours…

Je suis née à Santo Domingo, République Dominicaine, d’une mère dominicaine et d’un père espagnol.
A l’âge de six ans ma vie a basculé. J’ai dû rompre brutalement toutes les amarres qui me rattachaient à mon île et à mon identité profonde pour suivre mon père à Paris.

Avec mon père à Saint Domingue
Avec mon père à Saint- Domingue

J’ai peu à peu vécu et ressenti ces six premières années de ma vie comme problématiques pour moi- même et pour mon entourage et, lourdes de ma complicité , je les ai laissées couler au plus profond de moi- même, dans un oubli presque total.
Cette « tabula rasa » allait faire place à des matériaux tout à fait nouveaux que j’allais devoir assimiler pour continuer à me construire et à grandir :
un nouveau continent, une nouvelle famille, une nouvelle langue, de nouveaux amis…

 

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Mais les nouvelles constructions de l’édifice allaient-elles avoir raison de ses fondements précoces ?

 

Il se trouve que ma grand- mère, María Morales Lopez de Lerena Carbona , tenait une boîte de nuit appelée « La Guitare », au 14 de la rue Hautefeuille , en plein cœur du Quartier Latin.

Là se produisaient des groupes de flamenco et des groupes de musique latino- americaine. Par là sont passés « Los Machucambos », « Los Guaranís », « Los Gitanillos de Cádiz », et tant d’autres…

Le bar-restaurant La Guitare
Cabaret  La Guitare

La première fois que j’y ai entendu le répertoire folklorique d’un de ces groupes d’Amérique Latine, toute mon enfance est remontée à la surface , jusqu’au niveau du cœur, le recouvrant à nouveau d’une tiédeur douce et familière qui ravivait en lui ses anciennes couleurs et le faisait battre un peu plus vite, un peu plus fort, à son ancien rythme, oublié et ancestral.

Atahualpa Yupanqui et Cristóbal Cáceres
Atahualpa Yupanqui et Cristóbal Cáceres

Je garde un souvenir ému des cours de guitare classique d’Alberto Ponce… un de mes plus chers et inoubliables privilèges.

Je me souviens avec émotion de Cristóbal Cáceres, ambassadeur magnifique d’Atahualpa Yupanqui, du Paraguay et du chant guaraní ; et je me souviens de sa puissante et envoûtante voix cuivrée.

Un autre incroyable privilège, dont je ne prends la mesure que maintenant : avoir chanté à deux reprises, sur sa demande, et avec lui au « Rancho Guaraní » qu’il tenait alors dans le quartier de la Contrescarpe. J’avais à peine dix huit ans…

C’est donc ainsi que j’ai pu jeter un pont aussi invisible qu’indestructible entre ces deux identités qui me constituent. « Y ahora lo voy cruzando »…

   María Victoria Morales